vendredi 27 novembre 2009

Régression

Pour la majeure partie des hommes, je suis un rêve érotique. Si les terres du monde s'identifient à une longitude et à une latitude, moi je suis apparentée à une longueur et à une langueur. Mangeuse d'homme pour les femmes, j'ai effectivement l'apparence d'une mente religieuse, grande et sèche comme la tige plantureuse du mal.
Une plastique glaçante et envoutante, j'ai fini par croire qu'on m'avait fabriqué dans cette matière.


Une femelle en PVC dont la seule destination serait d'incarner l'envie qui débute au fond des yeux de l'adolescent et s'achève dans le rêve stérile du vieillard.
Je jouissais du spectacle. De ce monde avide où j'étais la proie des regards, un bijou étincelant, une valeur boursière, une combinaison de coffre-fort.
Mais pas aujourd'hui. Pas cet après-midi, dans la sévérité de ce soleil de novembre où accoudée au bar je réalise que je vais régresser. REGRESSION, c'est le mot le plus cru et en même temps le plus doux qui m'est venu pour désigner cette prise de conscience d'un délabrement certain du corps dont la douloureuse expérience ne s'achèverait que dans la mort.
Une chair ridée. Loin des photographies, loin des années folles, des danses veloutées, des casinos enfumés, des colliers de perles, des voitures au cuir enveloppant et de ce désir brut chez eux qui faisait de moi un animal recherché.
Je vois cette beauté qui s'étiole.


Nudité défunte, des formes qui s'affaissent et l'entêtement des os à vouloir se montrer.Sous le visage, la froide fonctionnalité du cerveau, mes yeux s'enfonçant peu à peu dans ces orbes tornades, avalés par les ans pour se refaire simples trous anonymes sans lumière,la minauderie d'un nez fin gommée par l'efficacité d'un cartilage, des joues creusées comme un étau broyant mon sourire, un cou revenu à son fonction de cintre osseux, mes seins n'y tenant plus de porter seul le drapeau d'une féminité en déroute, le reste depuis longtemps délaissé par les caresses....


Mourir où ? Dans le demi-jour d'un œil fatigué apercevant son reste de soi dans un miroir. Dans l'isolement d'une forêt, couchée dans la neige entre des arbres glabres. Ne pas s'être vu mûrir, ne pas avoir savourer ces longues et belles années de retraite où l'on profite de cette sorte de sobriété douillette et consistante de l'esprit qui nous donne de la hauteur et comme une évidente adéquation à soi.
Dans cet après-midi de novembre , on me croirait si forte et je suis si seule.

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