Exhaussée, Blanche-Neige s'était libérée de sa vie de servante avec les nains pour devenir Madame Neige. Le prince quand il était encore charmant avait consenti à ce que la belle garde ce nom qui à lui seul était comme un bâton de majesté, le symbole de la dimension féerique de son épouse et une dote bien plus précieuse que l'or et les tissus soyeux des grandes familles.
Les années avaient pourri. De la vie morne et plate, il arrive qu'on fasse une vie de bien-être et de plénitude mais que peut-on bien faire d'une vie de sortilèges, de magie et de faits extraordinaires?On y redescend. Car avec le mariage, la maison et bientôt le premier enfant étaient arrivés le confort, les emplois du temps, les grandes surfaces et la sanction d'un quotidien qui désannoblit et installe dans l'éreintement psychologique, la paresse et l'énervement systématique.
Consentir à sortir du charme parce qu'il charrie son lot de dangers et de malheurs potentiels : elle le savait, ce sacrifice ouvrait une porte sur un monde rassurant mais insipide. Blanche-Neige était devenue Madame Neige, une ménagère, une consommatrice qui se consumait dans la vapeur d'une locomotive qu'elle ne pilotait pas. Des couches, des courses, des coups : il avait changé, il s'était gâté, elle l'avait suivi, elle avait subi.
Désarrimée de ses rêves, de son amour et de la sanctification de l'étrange,elle prenait des pilules qu'on aurait pris de loin pour les perles à vœux d'une enfance enchantée.
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